« Quelles priorités pour les achats après ce virus qui sème le chaos ? »
Mai 2020
UNE VERSION HORS SERIE DE L’ETUDE « TENDANCES ACHATS » ÉTUDIE LES PRIORITES POST COVID-19 ET FAIT APPARAITRE, EN TOUTE LOGIQUE, DE GROSSES INQUIETUDES DES DIRECTIONS ACHATS QUANT A L’AVENIR DE LEURS FOURNISSEURS STRATEGIQUES, ET UNE NETTE ENVIE DE RELOCALISER DAVANTAGE LES ACHATS.
Habituellement, l’étude « Tendances Achats » menée par AgileBuyer, en partenariat avec le CNA, est publiée en janvier – ce fut d’ailleurs le cas cette année. Mais afin de mieux comprendre l’impact de « ce virus qui sème le chaos » – comme le dit Olivier Wajnsztok, directeur associé de AgileBuyer et chef d’orchestre de cette étude, sur la fonction achats, une édition spéciale Covid a été lancée en mai, dont les deux partenaires ont publié les résultats le 20 mai dernier. En voici les principaux enseignements.
La relocalisation des achats vers la France a davantage la côte
Aujourd’hui, 25 % des entreprises envisagent de relocaliser une partie de leurs achats. Elles étaient 16 % en tout début d’année 2020. Cette relocalisation des achats aura lieu très essentiellement vers la France (98 %) et vers l’Europe (62 %).
Pour les entreprises, relocaliser en France ou en Europe permet de sécuriser les approvisionnements (92 %), réduire l’impact environnemental (64 %), accélérer la mise des produits sur le marché ou de réduire l’impact social.
« La volonté de s’appuyer sur une proximité géographique rassurante est réelle», estime Jean-Luc Baras, président du Conseil national des achats et directeur des achats du groupe Eiffage, qui se réjouit de ce que « le sourcing France et Europe devient un élément prioritaire majeur. Le CNA, complète-t-il, a d’ores et déjà engagé une analyse détaillée des enjeux de relocalisations stratégiques des politiques achats ».
Mais la première difficulté rencontrée pour favoriser les achats made in France … est de trouver ces produits en France. 31 % des entreprises se disent contraintes par le manque de disponibilité des produits made in France. La barrière liée aux coûts des achats made in France grandit aussi, passant de 13 % à 18 % en moins de 6 mois.
Grosses difficultés à venir dans les livraisons des fournisseurs et risque de rupture pour les clients
58 % des entreprises prévoient des difficultés de livraison de leurs fournisseurs stratégiques. Le risque est immense, car si elles ne sont plus livrées par ces fournisseurs, elles ne peuvent plus produire. Ce sont les secteurs de l’aéronautique/ défense et des services qui ont le plus de craintes sur les capacités de livraison des fournisseurs stratégiques. Environ un tiers (37 %) du panel interrogé craint la faillite de ses fournisseurs stratégiques.
Le risque est donc fort de perdre de façon durable des savoir-faire. 54 % des directions achat des entreprises estiment ne pas avoir ou rarement les outils suffisants pour réellement comprendre la fiabilité financière de leurs fournisseurs dans un contexte Covid-19. En clair, certaines faillites de fournisseurs risquent d’arriver sans qu’elles soient suffisamment anticipées.
« Les outils classiques regardent les résultats financiers à l’année ou au mieux au dernier trimestre. Ce qui est totalement déconnecté de la nouvelle donne », commente Olivier Wajnsztok. Seules 10 % des entreprises interrogées ont un outil prédictif complet d’identification et d’élimination des risques pour toutes les familles d’achats et secteurs d’activité. 46 % des départements achats envisagent de mettre en place un tel outil.
Sécurisation des approvisionnements
Jusqu’à la fin de l’année et assez logiquement, les entreprises vont entreprendre de sécuriser leurs approvisionnements (82 %) et respecter les délais de paiement (SS%). Face à la crise du Covid-19, 6 % des entreprises déclarent avoir renforcé le suivi de leur relation fournisseurs. De nombreuses entreprises ont mis en place dès le premier jour du confinement des cellules de crise pour suivre au mieux les fournisseurs.
Nous constatons que ce sont surtout les secteurs de la mode (100 %), de l’industrie (95 %), de l’agroalimentaire/ hôtellerie et de la santé qui ont prioritairement renforcé le suivi de leurs relations fournisseurs.
Un grand nombre de fournisseurs du luxe sont en Italie et en Chine. L’industrie lourde se fournit souvent en matières premières venues de l’autre bout du monde. L’agroalimentaire s’est trouvé logiquement sous tension.
Délais de paiement fournisseurs
Le respect des délais de paiement devient un objectif de plus en plus important des départements achats. « Nous constatons que pour 40 % des répondants, celui-ci est toujours appliqué, soit 6 points de plus qu’en début d’année, contre 9 % pour qui les délais de paiement ne sont pas respectés, soit une baisse de 8 points », commente Olivier Wajnsztok.
Si la priorité des départements achats est, pour 82 % d’entre eux, de payer leurs fournisseurs en temps et en heure, les délais de paiement ne sont respectés « toujours » que par 40 % des entreprises, tandis que 34 % les respectent « souvent » et 16 % « rarement ».
Les objectifs de réduction des coûts sont au plus bas depuis 10 ans
Début 2020, « seules » 68 % des directions achats admettaient que la réduction des coûts était un objectif prioritaire. Mi-mai 2020, face à cette crise sanitaire, ce chiffre tombe à 59 %. C’est le résultat le plus bas observé depuis 2011. C’est aussi 9 points de moins qu’en début d’année.
Désormais, les achats sont aussi attendus sur autre chose que la réduction des coûts. Reste que les objectifs de réduction des coûts sont toujours plus importants dans le secteur privé que dans le secteur public (62 % contre 41 %). Les secteurs les plus concernés par la réduction des coûts sont encore ceux de l’industrie.
Que ce soit l’automobile à 77 %, la mécanique-métallurgie à 75 % ou l’industrie lourde à 71 %. Le secteur de l’agroalimentaire-hôtellerie-restauration arrive en 4ème position avec 67 % des réponses. À l’opposé, le secteur aéronautique-défense est le moins focalisé sur la réduction de coûts d’achat. Ce qui est cohérent avec leur inquiétude sur la survie de leurs fournisseurs stratégiques.
Les équipements de protection individuelle (gels, masques, etc), une situation non stabilisée.
30 % des entreprises estiment que leur approvisionnement en équipements de protection individuelle (masques, gels, etc) n’est pas encore stabilisé.